" Dehors, la flaque de sang continue de s’élargir sous les
débris de verre.
L’odeur du car, mélange de crasse, de métal chauffé à
blanc, pèse comme une tombe. Arthur se heurte à son reflet
sur le carreau, cheveux sombres en désordre, regard fauve,
agrandi par les cernes... Il inspire, se concentre sur l’air de
la Gnossienne N°3 de Satie pour échapper au présent. Il sort
sa boîte de pastel. Comme si créer allait endiguer le néant.
Premier haut-le-coeur. Son dessin ne représente rien.
Il masque.
La panique. Un malaise physique, un grouillement
de chaînes coupantes."
La scène de l'accident éveille toute une série d'échos chez Arthur, comme une enfilade de miroirs. En dominante majeure: l'angoisse. Le paysage intérieur correspondant était très proche de celui associé pour moi à La troisième gnossienne de Satie. Elle s'est donc invitée aussi dans les pensées du personnage. Un saisissant résumé du destin - une fatalité révoltée, enfermée dans une régularité mélancolique...
L'impression générale était suffisamment forte dans l'histoire pour avoir envie de la peindre. Ensuite, comment?
Je sais bien quelles sensations m'apporte l'angoisse - celle d'être submergée par un grouillement métallique, percée par un grillage au niveau du plexus solaire...
Mais j'ai ressenti visuellement et corporellement l'angoisse d'Arthur de manière différente. Vu de sa synesthésie et de son vécu à lui, l'angoisse ressemblait à un chemin hérissé de grilles, de coupures, de coups de fouets, entre certitudes acérées et ignorances en trou noir. D'où le choix, pour la peinture, d'utiliser de l'encre de Chine, acrylique, crayons superposés et de griffer le papier...
Bref, ce fut une tranche classique de vie d'auteur : écrire, c'est aussi plonger dans des angoisses qui ne vous appartiennent pas...
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